Marie Bagi vous présente,

Espace Artistes Femmes : Rose-Marie Berger ®
est une association et un espace artistique - itinérant et permanent - d’un nouveau genre qui veut mettre à l’honneur les femmes dans le monde de l'art. En raison de notre emplacement permanent et de notre focus sur les artistes femmes, nous sommes la seule association de ce type au monde, concept novateur, qui contribue à la visibilité des artistes femmes au niveau national et international grâce à à des conférences, des ateliers et des visites guidées réalisés au moyen de leurs oeuvres et dans lesquelles le concept de "l'intime" - c’est-à-dire, le lien existant entre leur vie et leurs œuvres et la manière dont la société peut les impacter - est central.
Il est dédié à Rose-Marie Berger (1922-2019)- plus connue pour avoir été l'épouse du grand historien de l'art, philosophe et ancien directeur-conservateur du Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne, René Berger(1915-2009). Elle était une artiste de talent, comme beaucoup d'artistes femmes avant elle et aujourd'hui, dont le travail n'est, jusqu'alors, pas mis en lumière dans les musées ou encore dans les galeries.
"On ne devient pas artiste: on naît artiste." © Marie Bagi, présidente et fondatrice
Eliane Monnier
Artiste visuelle et carnetiste

Aujourd’hui je vous présente l’artiste Eliane Monnier – connue sous le profil L’Atelier du Baobab qui, nous le verrons, possède un lien direct avec son vécu – que j’ai eu le plaisir de rencontrer au Cipriano par le biais de sa belle-sœur, Françoise qui prend des cours de théâtre avec ma mère à Lausanne. Eliane me fait part de sa vie riche et voyageuse l’ayant amenée à faire émerger sa vocation artistique. Rencontre.
Eliane est née en Suisse et passe son enfance à Premier, un village jurassien. Passionnée de voyage depuis toute jeune, c’est lors d’un séjour en Afrique, qu’elle rencontre sa vocation picturale. Mais cela n’est pas tout de suite qu’elle va se lancer corps et âme dans cette entreprise. Entre-temps, elle se forme en tant qu’infirmière. Se lancer en tant qu’artiste peintre, me dit-elle, demandait du cran et il faut oser prendre cet aspect au sérieux. Provenant d’une famille paysanne, elle me dit que c’est le travail qui passe avant toute chose. Une fois à l’étranger, loin du contexte familial, me confie-t-elle, l’envie d’exprimer des choses en peinture se fit sentir. L’Afrique, où le lien entre ciel et terre est tangible, la nourrit et l’inspire. Elle y rencontre plusieurs artistes auprès desquels elle se forme et prend confiance dans son être d’artiste femme. Elle retourne en Suisse en 2008 où elle reprend sa profession d’infirmière mais garde son art car elle sent qu’elle ne pourra plus jamais s’en défaire. Il fallait pourtant choisir à un moment donné et donc, encouragée par son mari elle se lance, elle ressort ses carnets de voyage en Afrique dont elle m’en montre un exemplaire – absolument captivant ! Dessiner et créer avec un groupe de femmes étaient les moteurs de ces carnets précieux car, me dit-elle, cela valorise la richesse artistique. L’échange, en soi, nourrit et cette pensée est d’autant plus renforcée aujourd’hui d’où la volonté de faire partie d’Espace Artistes Femmes. Après un moment de discussion, je lui demande tout de même où exactement en Afrique elle se trouvait : le Mozambique. En 2014, c’est la décision radicale de se dédier à son art uniquement. Elle s’inscrit alors en tant qu’artiste indépendante. C’est la continuité de l’aventure de toute une vie, me dit-elle. Avoir du temps personnel pour la création est une bénédiction. Puis, il y a aussi les cours dans son atelier du Baobab – nous avons donc compris qu’il s’agit de son lien avec l’Afrique et la peinture née en 1996 – qu’elle donne et l’organisation de stages à l’étranger sur les fameux « Carnets de voyages » car, oui, ils sont centraux dans son travail artistique. En effet, raconter un voyage ce n’est pas comme voyager géographiquement, c’est un récit de voyage intérieur avec des techniques mixtes. Ainsi, elle essaie de faire ressortir la personne créative chez ses élèves. C’est comme une sage-femme qui accompagne la procréation.
Grâce aux différentes techniques, Eliane vit la création comme un cours d’eau, me dit-elle en riant. En effet, cela paraît lisse pourtant l’eau va chercher son chemin et s’adapte à l’environnement. Les carnets entrent dans cette configuration. L’assemblage et la structure sont des entreprises de chaque jour. Elle ajoute qu’il y a des citations de personnes qui la touchent et qui vont ensuite être une certaine inspiration pour ses œuvres picturales. C’est une mise en lumière de toutes ses idées et l’ajout d’effets de textures inspirés de la nature. Ce sont des effets parfois spontanés, intuitifs mais souvent cela peut être contrôlé car elle connaît le résultat de certaines techniques mises ensemble. Eliane continue en me disant qu’elle aime travailler en série car elle aime explorer. Tout comme les mouvements, les outils utilisés varient. Elle aime tester toutes les phases, c’est volontaire dans sa recherche. Jouer avec la matière tels que la cendre ou le sable qui donnent un rendu poudreux et cela la fascine. Le fait d’avoir grandi à la campagne, au pied du Jura, cela lui a permis de vivre dehors et de s’accorder au bruit du vent, me dit-elle, et de créer en fonction des images extérieures. Tout cela lui provient de ses souvenirs liés à l’enfance où elle créait des cabanes et où son lien avec la nature était direct. Sa mère créait d’ailleurs beaucoup d’éléments avec du bois, des fleurs et des cailloux. Elle voit alors la création comme une filiation. Elle créait beaucoup avec elle. Une des sœurs de sa mère était peintresse et a développé sa carrière au Canada.
Eliane me confie avoir besoin d’être centrée pour créer. Elle doit s’extraire et s’immerger dans son atelier afin de pouvoir créer au calme. Elle retrouve ainsi la paix d’une douce atmosphère, le silence afin de pouvoir descendre dans les profondeurs de la création, comme elle le dit si bien. C’est là qu’elle peut ressentir ce qui la touche, qu’elle peut exprimer des choses et s’extraire de son caractère introverti. Exprimer ses émotions au travers de l’introspection et de la spiritualité se voit dans ses créations où la connexion semble être à son comble. Les personnages dans ses œuvres représentent le lien avec le vivant mais aussi le lien entre l’Homme et la nature car face à elle, nous ne sommes pas grand-chose. En effet, lorsque le monde est laissé tranquille, il reprend de l’espace et fait refléter la biodiversité. C’est ce qu’elle essaie de démontrer voire d’insuffler. Elle touche également au médium de la gravure avec laquelle elle teste les effets de morsures sur zinc. Les techniques de gravure sont également présentes dans ses carnets où des monotypes avec végétaux émergent ainsi que des photographies où les ombres sont mises en valeur. Des ombres silhouettes sont prises en marchant dans la nature. Elle ajoute qu’elles n’arrivent pas par hasard et qu’elles sont le témoignage d’une empreinte éphémère dans la nature qui va se transformer de manière concrète lorsqu’elles prennent place dans les carnets. Elle ajoute son processus par écrit à côté afin de se souvenir de ce qu’elle a vécu.
En soi, Eliane et son art ne font qu’un et nous montrent que la recherche artistique pure est liée à ce que l’artiste vit dans son quotidien, depuis son enfance jusqu’à aujourd’hui. Il possède une grande influence et une envie toujours plus marquée de s’exprimer. La diversité de son travail marque sa maîtrise des techniques utilisées et la ferveur de son être artiste encré dans cette vie de création impactante.
Autrice : Marie Bagi, docteure en Histoire de l’art contemporain et Philosophie
Publié le 3 septembre 2023