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*** Lumière sur une artiste ***

Marie Bagi vous présente,

 Daniela Markovic 

"Artiste plasticienne"

             Aujourd’hui je vous présente l’artiste Daniela Markovic que j’ai eu le plaisir de rencontrer chez elle où elle m’a montrée sa production artistique. Au départ, il m’est difficile de comprendre son parcours et ce qui l’anime. Puis, avec les mots justes et la perception de sa sensibilité, j’ai compris la passion qui l’habite et son désir de voir sa carrière d’artiste se développer. Car cette vocation est bien présente même si parfois il n’est pas aisé d’en parler. Nous nous sommes ensuite revues à plusieurs reprises pour collaborer sur son projet/série picturale, « A Fleur de peau ». Rencontre.

Née à Rambouillet, près de Paris, Daniela est issue de parents d’origine serbe. Ces derniers sont très attachés aux valeurs traditionnelles mais aussi à la rigueur dans le travail. Elle me fait alors comprendre que le choix d’une vie artistique n’aurait pas été à leur goût, du moins pas au début. Car, c’est depuis l’enfance que Daniela crée. En effet, elle dessine, elle sculpte ou encore elle peint. En soi, elle est attirée par l’art sous toutes ses formes et le besoin de s’exprimer est indispensable. Sa créativité ne la quittant jamais, elle se dirige tout de même vers un autre secteur dans ces études : l’économie. Ces dernières seront réalisées en Allemagne et en Angleterre – où elle vécut sept ans. Elle s’y est mariée et a donné naissance à un fils âgé aujourd’hui de quatorze ans. C’est à partir de 2010 qu’elle s’installe à Lausanne où elle est inspirée par le lac Léman dans ses toiles, notamment.

Daniela compte deux séries majeures dans sa création : « Léman, roi de nos lacs » et « A Fleur de peau ». Lorsque je lui rends visite pour la première fois, ce sont ces deux séries dont elle me parle. Elle commence par celle sur le lac Léman puisqu’une partie est accrochée aux murs de son grand salon. Elle me dit que c’est une manière de rendre hommage à sa beauté si captivante et changeante, ainsi qu’à ses rivages divers et variés. La texture de ces peintures est épaisse et modelée aux couteaux. Travaillant par couches superposées, elle va les gratter et frotter afin de leur donner du relief mais aussi de capter une certaine profondeur. Utilisant des couleurs vives, presque en s’inspirant de l’artiste Ferdinand Hodler (1853-1918), Daniela les fait vibrer au contact de la toile grâce à une base sableuse qui permet d’en saisir la lumière. Le lac est alors une source d’inspiration continue lui insufflant à la fois douceur mais aussi force. Ceci se révèle à son tracé, dont nous ressentons la variété, lorsque nous sommes face à son œuvre. Puis, elle me montre l’œuvre sur sa cheminée montrant une femme à demi nue, les yeux clos et tirant sur sa cigarette. Elle me dit, comme si elle me la présentait : « c’est Lola ». J’examine alors le support et Daniela s’empresse alors de me dire que c’est du papier kraft. Peu commun de peindre sur du papier kraft mais, pour elle, il a une réelle signification. En effet, Lola fait partie de sa série « A Fleur de peau » représentant des femmes issues du milieu de la prostitution. Touchée par la fragilité et l’humanité qui émanent de ces femmes, Daniela leur rend hommage en les portraitisant sur du papier kraft froissé en résonnance directe avec leurs vies parfois abîmées, selon le témoignage. Mais pas seulement elles, c’est l’être humain entier, me dit-elle, qui subit des déchirures dans la vie et dont les cicatrices restent à jamais. En discutant plus longuement sur cette signification, je constate que Daniela possède également des souffrances de son passé qu’elle a elle-même revisité au travers de ce papier kraft chiffonné qui ne sera plus jamais lisse. Elle se confie alors son passé douloureux en Angleterre et comment elle a dû le dépasser pour son fils, pour continuer. Le titre de la série fait référence à la peau de ces femmes qui n’est pas peinte contrairement à ce qui les entoure telle une réelle mise à nu et afin de montrer les plis du papier qui se reflètent comme des blessures qu’il est impossible de masquer. Daniela nous fait alors pénétrer dans l’intimité de ces femmes afin de comprendre leurs parcours par le biais de QR-Code qui nous renvoient à des vidéos et des allocutions d’acteurs ou chanteurs tel que Syrano (*1979). Une série qui touche profondément les consciences et qui a fait l’objet de deux expositions et une troisième prévue à La Lanterne de Rambouillet en novembre prochain. Qui sait : Daniela va peut-être continuer la série ou alors ensuite être inspirée par la fragilité humaine toute entière ? Quoi qu’il en soit, lorsque j’échange avec elle, je la sens proche de l’humain et la capacité du don de soi dont elle fait preuve se transmet tout entier dans sa peinture.

Dans son œuvre entière, Daniela pose son amour pour la matière, pour le saisissable. Les volumes dont les épaisseurs de couches, notamment, sont est présents dans son travail artistique entier. Elle ressent la matière et a besoin de retranscrire par le biais d’un support ce qu’elle absorbe. Au gré des sujets représentés, elle cherche à figer l’image ou les émotions éprouvées lors de regards sur un paysage ou encore d’événements vécus. Car, c’est au travers de la peinture que Daniela se dévoile et transmet les diverses émotions qui l’animent. Dans le tourbillon de la vie, il arrive parfois que nous perdions la trace de ce qui est le plus précieux à nos yeux aveuglés par la nécessité d’avoir une vie en marge avec ce que la société nous dicte. Or, l’instinct nous rattrape toujours et le naturel revient à la charge nous montrant ainsi que la route, que nous nous étions, toute tracée n’est alors pas ce qui nous fait vibrer. Je parle ici de vocation, celle qui nous transporte et qui nous amène à dépasser nos limites. Cette dernière, Daniela la possède et doit se résoudre à la partager avec le monde qui, un jour, sera enfin disposé à connaître son talent.

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Autrice : Marie Bagi, docteure en Histoire de l’art contemporain et Philosophie

 

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Publié le 10 octobre 2022

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