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*** Lumière sur une artiste ***

Marie Bagi vous présente,

 Jennifer Moore Tymowska 

"Peintresse"

            Aujourd’hui je vous présente Jennifer Moore Tymowska que j’ai eu le plaisir de rencontrer à la Maison de la Femme, dans les locaux qu’elle occupe avec le IWC – International Women’s Club – dont elle est présidente. Lors de notre conversation, Jennifer me raconte son histoire et le rôle important l’art joue dans sa vie ; autant dans les moments de joie que des moments difficiles. Rencontre.

Née en Australie, Jennifer la quitte lorsqu’elle a cinq ans. A partir de là, sa vie est un voyage perpétuel. En effet, entre le Canada, les Etats-Unis, la Suisse et la Pologne, elle ne cesse de bouger. Ces dernières années, c’est surtout sur la Suisse, le Canada et la Pologne qu’elle se concentre. Toujours entourée par le monde, elle entame une carrière de mannequin qui dure vingt ans. Elle a seize lors de ses premières séances de photographies et dix-neuf ans lorsque cela devient un réel métier. Avec cette carrière, elle a eu ses deux enfants tard, à trente-huit ans. L’art a toujours fait partie de sa vie mais elle n’a pas pu se dédier à ce dernier tout de suite. L’une de ses tantes en Australie est artiste et sa mère voulait être designer. Elle aimait la mode et créait ses propres vêtements. Sa vocation artistique lui vient sans doute de ces deux figures familiales.

Son mari est né en Pologne mais a fait des études post-universitaire en Suisse et plus tard il a travaillé en formation d’économiste durant vingt-cinq ans à l’ONU. Ses enfants sont d’ailleurs, tous deux, nés à Genève mais ont grandi à Varsovie, le Canada et Australie. Ils revenaient souvent en Suisse car liés à ce pays. C’est depuis deux ans qu’elle est revenue s’y établir tout en gardant sa maison à Varsovie. Pour leur quinzième anniversaire de mariage, elle achète à son mari et ses deux enfants, des billets pour l’Australie afin de montrer le pays où elle est née. Ils y acquièrent une maison qu’ils quittent en 2005. C’est durant ces années que Jennifer commence à peindre régulièrement. De retour en Europe, elle est prise dans un tourbillon notamment avec sa famille et la santé de ses parents, que sa production artistique se réduit, mais elle continue toujours à trouver le temps de peindre. Un novembre de grisaille à Varsovie, elle réalise des toiles avec des couleurs vives pour retrouver les couleurs d’Australie. Elle décide de monter sa première exposition qu’elle organise seule, mais en invitant quatre autres femmes à participer aussi. Car elle aime bien partager la joie de la peinture avec les autres. Après le succès de cette exposition, elle monte une galerie-atelier et invites d’autres artistes à exposer leurs œuvres. Durant ces années, elle se rend régulièrement au Canada pour aider ses parents, et en même temps, elle peint et rejoint un groupe d’artistes. Elle constate que ce pays est davantage ouvert que ceux européens. Revenue en Suisse il y a deux ans, elle se rend à Lutry, à l’atelier de Chus Díaz Bacchetta lors d’Aperti – ouverture des ateliers artistiques à Lausanne et environ – dont elle trouve cette rencontre et son travail très intéressant. Après le mort de son mari en 2020, elle décide de vivre à Leysin pour soulager ses douleurs et se recentrer sur elle-même et sa production artistique entourée des montagnes : un paysage époustouflant.

Son style pictural a évolué durant ses années de pratique. Influencée, dans les premiers temps, par les Impressionnistes, elle va ensuite s’intéresser à la manière dont les Fauvistes utilisent la couleur. Cette couleur nous la retrouvons dans toutes ses œuvres qui transmettent un message puissant à celui qui les regardent. Jennifer se dit aussi beaucoup interpellée par l’Expressionisme avec les grands formats qu’elle utilise ; parfois deux mètres par deux mètres. Son rêve serait de pouvoir les réaliser depuis le plafond mais, pour l’instant, elle les dépose à terre ainsi, ajoute-t-elle, elle peut sentir la couleur et utiliser des outils particuliers. Un travail à la Jackson Pollock, me dit-elle en riant. Elle continue en me disant que le sol de son ancien atelier à Varsovie en a fait les frais. Il était gris et lorsqu’elle peignait, elle mettait toujours de la couleur à côté de la toile et, bien évidemment, sur ce dernier. A sa grande surprise, le propriétaire lui avait dit de continuer. Lorsque nous trouvons un endroit avec cette sensation de liberté, c’est précieux, me dit-elle. Aujourd’hui, elle ne le possède plus mais, dans sa maison, elle s’est créé un nouvel atelier.

Ses premiers amours dans la création était l’écriture. Elle fait d’ailleurs beaucoup de relecture pour la Musée National à Varsovie. Mais la peinture lui prodigue une autre sensation, celle de la liberté. Créer, me dit-elle, c’est vivre le présent et être animée par des émotions grâce à des gestes mais aussi des couleurs surtout dans l’exécution de ses œuvres abstraites. Cela lui donne la joie de vivre. Le mouvement est aussi mis en avant dans la photographie d’elle mannequin qu’elle réutilise tel un collage sur ses toiles. Comme un autoportrait qui serait revisiter mais aussi une sorte de mémoire archivistique de ce qu’elle a été. Lors de ce contact avec l’artiste, j’ai été interpellée par la richesse des événements vécus durant sa vie. Cela m’a fait penser qu’elle a vécu plusieurs vies en même temps. J’ai compris que l’art a été salutaire pour elle et que grâce à ce moyen d’expression, elle réussit à sortir des émotions qu’elle n’avait jusque-là, pas partagé. Les œuvres de Jennifer nous plongent dans une atmosphère vive en couleur qui donne la sensation d’exister différemment. Accueillant avec bienveillance notre regard, elles nous immergent dans cette couleur qui n’est autre que le message de la vie.

 

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Autrice : Marie Bagi, docteure en Histoire de l’art contemporain et Philosophie

 

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Publié le 15 novembre 2022

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