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*** Lumière sur une artiste ***

Marie Bagi vous présente,

 Jessica Llusía 

"Artiste visuelle

                      Aujourd’hui je vous présente l’artiste Jessica Llusía que j’ai eu le plaisir de rencontrer au Café de Grancy à Lausanne. Une âme artiste qui m’a tout de suite interpelée dans sa manière d’aborder la vie et son travail artistique qui en découle. Rencontre.

Jessica a commencé à créer entre l’âge de cinq et six ans avec la sérigraphie sur t-shirts qu’elle réalisait avec sa sœur et sa mère, et avec divers sujets tel que Dragon Ball Z, Tintin ou encore Les Simpson. Mais elle réalisait aussi des fiches avec des portraits d’animaux. Il y avait une réelle connexion avec l’art de sa mère, Montserrat. Elles sont d’ailleurs très liées toutes les deux dans la vie comme dans l’art même si elles n’ont pas le même style car Jessica ne voulait absolument pas la copier car elle devait chercher sa propre voie. Depuis l’enfance, Jessica est fascinée par l’être artiste de Vincent Van Gogh (1853-1890) et Amedeo Modigliani (1884-1920), peut-être à cause de leur maladie respective et leur mal-être face à la vie. Mais ce n’est pas pour autant qu’elle va copier les maîtres. Encore une fois, elle cherchera sa voie. A quatorze ans, elle commence un apprentissage dans l’informatique mais elle s’arrête car ce qu’elle s’aperçoit que dans la matière, c’est le graphisme qui l’intéresse. Donc, de ses quinze à dix-huit ans, elle étudie le graphisme. Ensuite, elle suit des cours à l’ECG, une école de culture pour adultes et travaille dans des fast-foods, une véritable école de vie, me dit-elle en riant amèrement. Possédant deux chiens loups tchéquoslovaques et passionnée de ses deux amours, elle suit une formation de comportementaliste canin qu’elle teste ensuite sur eux. Actuellement, elle travaille depuis huit ans, aux HUG de Genève, à Belle-idée, aux admissions des patients dans le département de psychiatrie. Elle bénéficie de formations en psychologie à l’interne qu’elle trouve très intéressantes.

Cela fait maintenant trois ou quatre ans que Jessica se consacre à son art de manière assidue. Enfin, me dit-elle. C’est au cours de la période de confinement qu’elle a senti le besoin de faire ressortir des émotions qu’elle ne gérait pas et cela a été thérapeutique, salvateur. Un déclic a été l’initiateur de ce lâcher-prise. Plus précisément, une situation personnelle qui lui a fait prendre conscience de l’importance de l’art dans son existence. L’œuvre qui en ressort en premier c’est son magnifique astronaute quittant la terre à l’acrylique, comme elle voulant s’évader de chez elle. Le premier de la série vit. L’encre de chine est une technique qu’elle va s’approprier pour le reste de la série.

Jessica aime tester toutes les techniques ; elle tient cela de sa mère, me dit-elle. Mais, ajoute-t-elle, elle n’aime pas ce qui est lisse, la matière, la surface de l’œuvre. Elle aime tester pour elle-même et s’approprier la technique et le médium. Elle sera alors à la recherche d’une logique, me dit-elle. Elle me dit, en riant, qu’elle arrive à faire sortir des éléments de sa tête et dont elle a besoin de coucher sur papier ou sur toile. La prochaine étape, c’est la bande dessinée avec, pour héros, son chat partant dans l’espace. Il y a définitivement un lien que Jessica possède avec l’espace après épuisement des ressources de la planète. Ce n’est pas une envie de conquête mais de découverte. Un monde fantastique dans lequel il n’y a pas de personnes et pas de colonisation et surtout pas, par la violence. Peut-être la possibilité de s’évader dans un environnement où il n’existe aucune limite ? Elle me montre d’ailleurs les prototypes qui sont incroyablement bien réussis. Elle me dit qu’elle prend des cours pour cela, de quatre à cinq heures par semaine car il y a beaucoup à apprendre, notamment que les espaces blancs, entre les images présentées, sont fait pour attiser l’imagination du lecteur. Et, d’elle-même, elle prend conscience de la liberté que cela procure de créer une bande dessinée.

Jessica signe ses œuvres de son pseudonyme « KILL ». Elle ne vend que des commandes car toutes ses œuvres sont son âme et qu’elle aurait l’impression de se vendre. D’ailleurs, elle fonctionne par obsession pour une commande, me dit-elle en riant. En effet, elle doit créer et recréer en série le sujet donné. Elle essaie d’être résiliente mais ce n’est pas évident car elle est à la recherche d’un rendu parfait à ses yeux. Par exemple, elle a beaucoup de peine à réaliser de la perspective, même sa mère le lui fait savoir, ajoute-t-elle en riant. Montserrat essaie pourtant de la guider mais elle n’imprègne pas le concept. Il y a toujours un côté geek dans ses œuvres et ce sont surtout des sujets masculins. Ses personnages, me dit-elle, sont le reflet de ses états émotionnels. Quand elle est déprimée, elle ne réussit pas à parler. Elle me montre alors d’autres portraits de personnages imaginés et je peux constater que les sujets sont souvent bien sombres. Je comprends alors la tourmente émotionnelle dans laquelle elle se trouve. Elle me confie plus tard certains événements qu’elle a vécu dans son adolescence et tout alors prend forme. Jessica aime les détails et cela se ressent dans les œuvres qui défilent sous mes yeux. C’est un passage obligatoire, me dit-elle. Elle ajoute que son copain, c’est sa muse rien que par sa présence à ses côtés lorsqu’elle crée. Il réussit à la cadrer, comme Montserrat. L’anxiété s’en va à leur contact. Une particularité alors me frappe. Ses personnages possèdent des yeux blancs, cela fait partie du côté effrayant de l’œuvre. Elle me dit que cela lui vient probablement du fait qu’elle a toujours aimé ce côté « dark ». Adolescente, elle était gothique. Cela lui donnait l’impression de sortir de ce monde faux rempli de paraître. Elle n’a pas de filtres et ne se fait pas une gêne d’exprimer ce qu’elle a à dire. Le but c’est d’être soi-même, authentique. Éprise par la logique, elle me montre le dessin au pastel d’une grande faucheuse ; une certaine réalité de la vie que sont la vie et la mort font partie de son œuvre. Puis, elle me montre son incroyable carnet de dessins qui recèle de petites maisons réalisées d’après photographies ou cartes postales avec une bonne touche de son imaginaire. Ceci leur donne l’avantage d’émaner un côté magique. L’œuvre de Jessica possède un côté particulièrement touchant car il est fruit d’une histoire intense qui nous accompagne au travers des diverses représentations.

Actuellement, elle fait partie des artistes participant.es à l’exposition intitulée « Regardons le futur ensemble » aux HUG (Hôpitaux universitaires de Genève). Pour cette dernière, elle a réalisé des œuvres dessinées en format A3. Dans ces œuvres exposées, il y a deux visions, me dit-elle, une vision dystopique et une vision apocalyptique. De manière cela est représenté par une œuvre colorée et une œuvre noire. Elles peuvent être choisies par le public ou les personnes travaillant dans l’établissement pour gagner le concours et donc un prix.

L’envie de s’évader est très présente dans l’être et le travail de Jessica. Elle lui permet de s’adonner à sa passion pleinement et de s’exprimer sans retenue afin de donner naissance à des œuvres dont le talent est retentissant. Jessica a bel et bien eu raison de se consacrer à sa vocation car l’ensemble de son travail prouve qu’elle possède un réel don pour la création quelle qu’elle soit. De ses personnages à ses maisons fantastique, Jessica nous fait voyager dans sa bulle mystérieuse où des éléments de vie apparaissent et donne, enfin, à l’artiste, la possibilité de se libérer.

 

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Autrice : Marie Bagi, docteure en Histoire de l’art contemporain et Philosophie

 

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Publié le 19 mars 2023

 

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