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Lumière sur une artiste

Marie Bagi vous présente,

 Keren Schwarz Meguira 

"Artiste"

Un entretien écrit avec Keren Schwarz Meguira

 

Par Marie Bagi, Docteure en Histoire de l’art contemporain et Philosophie

 

 

  1. Parlez-moi un peu de vous et de votre trajectoire…

 

On peut ouvrir plusieurs tiroirs pour parler de mon cheminement. Juriste de formation, j’ai suivi des études de droit et d’histoire de l’art, j’ai parfois tendance à dire lorsque l’on me demande ce que je fais aujourd’hui que je suis « en reconversion professionnelle en tant qu’artiste peintre », alors que la création a toujours été une partie primordiale de mon identité. A cet égard, lors de notre échange téléphonique vous avez détourné la citation de Simon de Beauvoir « on ne nait pas femme on le devient » en « on nait artiste on ne le devient pas », ce qui a particulièrement résonné en moi. 

 

Ma démarche artistique est avant tout instinctive, elle exprime l’inconscient et tente de retracer par la voie abstraite des mécanismes de pensée nous échappant, comme une contemplation interne et une parenthèse au monde externe. Le primat est donné au geste, à la couleur ainsi qu’à la superposition de matières. 

 

Mon approche picturale n'est pas nécessairement prédéfinie mais se construit progressivement. Un dialogue s’instaure avec la toile en train d'être « réalisée » notamment dans les rapports aux formes et aux couleurs. Lors du processus de création je peux avoir une idée initiale de ce que je veux faire, des thèmes précis tels que la féminité, une émotion difficile à retranscrire, une rencontre, une discussion. Je vais prendre cette base de réflexion, tout en laissant un espace pour l'imprévu lors de ce processus, ce qui peut finalement être perçu comme une philosophie de vie: une œuvre d'art comme une aventure. 

 

Il y a également une quête identitaire dans mes toiles. Et par une superposition de couches et de matières, j’évoque mes origines multiples - marocaine de mon père, franco-espagnole-algérienne de ma mère, traditions culturelles juives. Les voyages également et tout particulièrement les rencontres faites lors de ces derniers sont une source d’inspiration importante. De 2011 à 2018 j’ai vécu au Chili, au Brésil, en Angleterre, avant de m’installer à Paris fin 2019 suite à un voyage d’un an en Océanie et en Asie du Sud Est. Chacune de mes toiles est un trajet intérieur, parfois inspiré par mes voyages (par des sentiments ressentis lors du voyage ou bien plus concrètement par des couleurs, des paysages et par la nature). 

 

  1. Comment êtes-vous entrée dans le monde de l’art ? Quels furent vos premiers pas…

 

Je n’ai pas opté pour un cursus artistique à la sortie du lycée, petit à petit je me suis rapprochée de ce que je pense être mon essence, en étudiant l’histoire de l’art en parallèle de mes études de droit et puis en continuant toujours à créer à côté de mes autres activités. 

J’ai finalement eu un déclic alors que je vivais à Santiago du Chili en 2011 où j’ai expérimenté ce qu’on nomme souvent le « flow » ou « transe artistique » : le temps n’existe plus, juste le sentiment de suivre une énergie indicible qui guide la création. Je pense que cela fut pour moi une première prise de conscience de la puissance de la création. 

 

Je dirai que le cheminement est toujours en cours (et c’est ce qui le rend excitant également!) Je suis autodidacte et essaie d’apprendre quand je le peux, en observant, en discutant avec d’autres artistes, en prenant des cours (à Londres, cours du soir à la Royal Drawing School ou avec les Ateliers des Beaux Arts de la ville de Paris) mais surtout en expérimentant.

 

  1. Avez-vous toujours créé ? 

 

Difficile de me rappeler mes premiers souvenirs artistiques car j’ai le sentiment d’avoir toujours créer. L’imaginaire de façon plus générale a toujours fait partie de moi, comme tous les enfants j’imagine. N’est ce pas l’essence même de l’être humain de créer ? Nous naissons tous créatifs, la vie et la société nous en éloigne parfois malheureusement. Ce que je peux affirmer dans tous les cas, c’est que l’art plastique était le cours que j’attendais le plus alors que le reste de la classe ne le prenait pas vraiment au sérieux. Depuis toute petite, on m’a toujours dit que je suis « un peu perchée » (si vous parlez à mes amis ou ma famille, je pense que ce terme ressortira), je pense effectivement « perchée » dans des rêveries créatives et dans des schémas imaginaires depuis mon plus jeune âge.  

 

  1. Pourquoi avoir choisi l’abstraction comme technique artistique ? 

 

Ce choix s’est fait naturellement et je pense même que le terme de « choix » n’est pas adapté puisque je dirais que l’art abstrait s’est « imposé » à moi. 

Avant tout, il s’agissait pour moi d’une peinture du geste, comme un moyen de transcender la réalité pour recréer visuellement des émotions et des concepts intangibles. 

Bien que je ne sois pas figée dans l’art abstrait car je suis ouverte à l’idée d’introduire des éléments figuratifs dans mes toiles ; à ce jour je dirais que la peinture abstraite m’attire particulièrement par la liberté d’interprétation qu’elle provoque. Chacun est libre d’écouter sa voix intérieure et sa propre expérience de vie. Par conséquent, l'interprétation évolue en parallèle de l’individu. 

 

  1. La couleur utilisée dans vos œuvres, de même que votre tracé semblent émettre un ou des messages, le(s)quel(s) ?        

 

Je peins avec de la musique, parfois avec des parfums qui m’inspirent, il y a finalement tout un jeu de synesthésie qui s’élabore que je ressens et que j’essaie de retranscrire en couleurs dans mes toiles. 

Il y a cette idée presque métaphorique de peindre un son, une musique et de faire vivre la couleur par des énergies positives, par un tracé dynamique ainsi que par des flots de peinture suivant les mouvements de mon corps.  C’est une recherche constante ! 

En cette fin d’année 2020, j’ai ressenti le besoin de faire évoluer mon art – peut être vers une forme artistique plus dégagée (moins « chargé »). Mon processus créatif est fortement psychologique et émotionnel et j‘analyse cette progression comme une sorte d’apaisement. 

 

  1. Vous utilisez la performance, seule ou à plusieurs et parfois même avec différentes disciplines artistiques. Qu’est-ce que vous souhaitez exprimer au travers de cette dernière ?

 

La connexion entre les différentes pratiques artistiques est en effet une idée que j'affectionne particulièrement. Par exemple, en février 2018, lorsque je vivais à Londres, j’ai pensé et réalisé, en m’associant avec deux merveilleuses artistes, Hannah Shields (pour la danse) et Satvi Vepa (pour le chant), une performance artistique mêlant live painting, chant et danse. La volonté derrière cette performance était l’interaction et l’influence simultanées des trois arts ne formant finalement qu’un. Il y a ainsi cette idée de l’utilisation du corps, du chant et finalement de l’interaction de différentes disciplines qui deviennent médium.

J’ai pour projet de développer de nouvelles performance / projets multi-disciplinaires dans un futur qui je l’espère sera le plus proche possible. 

            

  1. Comment l’intime peut être perçu dans vos œuvres ?

 

Mon processus créatif est guidé par la notion même de l’intime, puisque mon premier pas réside dans l’expression d’une émotion. Il y a finalement une impulsion première où l’intériorité prend le dessus comme un guide créatif. Depuis quelque temps, j’ai pris l’habitude d’annoter ces ressentis, de faire une pause afin de prendre note et d’explorer cet inconscient qui se libère. 

Il s’agira notamment d’explorer au maximum cette sensibilité particulière qui nous est propre en tant que femme sans tabou et sans honte. 

 

            

  1. Pouvez-vous parler d’une de vos œuvres et dire pourquoi elle est importante dans votre parcours artistique ?

 

Je pense par exemple à mes « Puzzle paintings ». Il s’agit d’une toile composée de plusieurs toiles de divers formats : Chacun assemblera les différentes parties de la toile selon son ressenti, afin de penser hors du cadre. Ces dernières jouent avec les limites et invitent celui qui regarde, à jouer avec la forme de la toile, et à la liberté́ de montage, à la reformuler. 

J’apprécie une philosophie de vie on l’on peut vivre et penser en s’affranchissant des codes sociaux, appuyant le crédo « thinking outside the box ». 

 

  1. Quand avez-vous exposé pour la première fois ?

 

De 2014 à 2018, j’ai vécu à Londres ou je travaillais en tant que juriste. J’ai eu la chance de passer la porte d’une galerie collaborative, Espacio Gallery, dans le quartier de Shoreditch à Londres. J’y ai exposé à diverses reprises et ai beaucoup apprécié la dynamique et les échanges avec les autres artistes, pour moi c’était un nouveau monde qui s’ouvrait. J’ai ensuite fait la rencontre de Karel Kingsley, une jeune américaine qui montait un projet de galerie alternative, dont le but était de faire des expositions « pop up », très en vogue ces dernières années. J’ai pu exposer dans plusieurs lieux incongrus, détournés de leur fonction d’origine (chez un coiffeur branché de Soho par exemple), ce fut une expérience très enrichissante.

            

  1. Percevez-vous une certaine reconnaissance artistique à Paris ? 

 

Je ressens par les réseaux sociaux notamment, une effervescence liée à l’art féminin, divers mouvements sur instagram ou de jeunes galeries non élitistes apparaissent et semblent générer un mouvement artistique plus démocratisé ou le passant n’aurait plus peur de passer la porte. 

 

  1. Existe-t-il un endroit où nous pouvons admirer votre travail constamment ?

 

Ma vitrine principale est à ce jour instagram et mon site internet www.kerenschwarz.com. Il est par ailleurs possible de me contacter (par mail ou directement sur instagram) afin de venir voir mes toiles et de me rencontrer sur Paris– c’est toujours une joie et un plaisir d’échanger ! 

 

  1. Réalisez-vous des activités éducatives autour de vos œuvres ? Si oui, que pourriez-vous proposer à l’Espace Artistes Femmes ?

 

De par mon cursus en droit et histoire de l’art et mon expérience en tant juriste en droit de l’art, je pourrais éventuellement proposer par exemple un atelier droit d’auteur ? 

Par ailleurs, je commence prochainement une formation en médiation artistique en relation d’aides/ art thérapie. Je serais ravie de dispenser des ateliers créatifs à la suite de cet apprentissage au sein de l’Espace Artistes Femmes. 

 

 

 

Publié le 11 janvier 2021

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