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*** Lumière sur une artiste ***

Marie Bagi vous présente,

 Murzo 

"Artiste"

                Aujourd’hui je vous présente l’artiste Stefanie Murray aka Murzo que j’ai eu le plaisir de rencontrer au Café de Grancy. Dès les premiers instants, je sens chez elle l'être artiste qui l'habite et lorsqu'elle se présente, cela devient d'autant plus clair. Rencontre. 

D’un père irlandais et d’une mère allemande, Murzo grandit avec trois langues à Ovronnaz dans le Canton du Valais. Elle est l’aînée de trois filles dont la dernière a été adoptée lorsqu’elle avait sept ans. Sa famille voyageait aux quatre coins du monde entre l’Irlande, l’Allemagne, les Etats-Unis (principalement New York) et la Suisse. Elle vit actuellement à Vevey où elle possède un atelier. Un car elle en dispose d’une autre dans la maison familiale à Vétroz. Elle sera titulaire d’un master en arts visuels qu’elle obtiendra en juin 2023 de l’EDHEA – les Beaux-Arts de Sierre. Elle ne provient pas d’une famille d’artiste et, à son grand dam, la vocation artistique n’a jamais été valorisée mais plutôt méprisée. Après le collège, entre médecine et droit, elle doit choisir. Elle se dirige vers le droit mais ne fait qu’un an car elle constate que cela ne lui convient pas. Elle part alors à Dublin travailler. Ses parents s’étant rencontrés en Suisse, elle me confie que tous deux possèdent une valeur du travail très importante et donc, elle ne pouvait faire autre chose que de travailler là-bas. C’était surtout pour prendre de la distance, me dit-elle. Elle a habité chez sa cousine et fut « assistante en achat » durant un an. En 2007, avec l’effondrement de l’économie, elle revient en Suisse où elle travaille dans la même branche à Sierre. C’est là qu’arrive sa dépression. Tout s’effondre. Elle doit se rendre dans une institution spécialisée. Son père, lors d’une visite, lui demande alors ce qu’elle souhaiterait faire. Sa réponse est simple : elle veut dessiner. Il lui offre donc une année dans une école de dessin. Elle choisit l’école la plus éloignée possible de la Suisse : à Vancouver, au Canada. C’est le début d’un changement radical dans sa vie.

A Vancouver, elle rencontre sa première partenaire de vie avec laquelle elle part à Paris car Murzo a obtenu une bourse en communication visuelle et comment utiliser le dessin. Elles y restent deux ans et repartent ensuite au Canada, à Toronto – ville d’origine de sa partenaire. De nature introvertie, Murzo met du temps à trouver un travail. Pendant ce laps de temps, elle s’occupe des murs de l’appartement en réalisant de grands portraits de gens qu’elle connaît. Elle a été encouragée à les montrer. C’est à ce moment-là qu’elle crée son compte Facebook et partage son travail. Elle rentre en Suisse avec sa série de portraits réalisés ensuite sur papier. Sa mère connaît une galeriste qui tombe sous le charme de son travail et choisit de l’exposer. A sa grande surprise, Murzo a tout vendu ! Son père, à la vue de ce succès, souhaite qu’elle continue et lui donne une pièce dans sa cave en avril 2014. C’est parti pour le voyage de l’indépendance pour elle.

Dans sa pratique artistique, Murzo est entre le dessin et le film d’animation. Depuis 2014, sous forme de séries, elle entreprend des sujets sociaux, mettant souvent en avant des personnages fictifs ou réels. En 2018, elle s’intéresse à la grossophobie sociale et médicale dans son travail. Son travail est alors incompris et plusieurs personnes lui demandent pourquoi elle fait cela. Elle est accusée de glorifier l’obésité pourtant, ce qu’elle souhaite démontrer c’est que cela fait partie de la société. Elle travaille alors avec le texte qui accompagne son travail. Elle fait partie du Comité Visarte Valais et se bat pour que la créativité des artistes ne soit pas bridée. Elle partage sa vie avec une photographe diplômée du CEPV et Histoire de l’art à l’université de Lausanne. Durant le Covid, elle obtient une bourse du Canton du Valais. Elle travaille sur références portraits d’après photographies. Elle a d’ailleurs réalisé un merveilleux portrait de Lady GaGa (*1986) dernièrement, sur une MetroCard de New York que je lui ai commandé comme cadeau de Noël pour mon frère cadet. Une magnifique œuvre qui témoigne de la précision avec laquelle elle travaille même sur petit format où les détails sont puissamment marqués.

La création a toujours été présente, me dit-elle, comme un « mécanisme de survie ». C’est pour cette raison qu’elle insiste sur le dessin. Il a toujours été là pour elle. Même lorsqu’elle était enfant et ne voulait pas aller jouer dehors avec les autres. Elle avait trouvé, avec le dessin, une autre forme de langage, un outil de communication. Il y a toujours une dimension humaine car les sujets représentés s’y rattachent. A la Rue du Simplon 26 à Lausanne, elle avait participé à une exposition sur la gentrification suisse. Elle avait peint sa pièce en noir. Ses dessins étaient exposés sur des archives afin de raconter des histoires, accompagnés de sons. C’était un moyen de visibiliser ces personnes dans ces appartements. Pourtant, cela a été un moyen de minimiser cette problématique et d’augmenter les loyers, décevant pour les artistes. Le but avec le dessin, c’est « l’artistic flow » c’est-à-dire perdre la notion du temps et de l’espace comme une sorte de méditation. C’est la recherche d’un équilibre mental car l’art soigne dans un état hors du temps, ajoute-t-elle. Je comprends alors qu’il s’agit d’un véritable état d’esprit, d’un leitmotiv. Une pulsion créatrice qui a toujours été là et que, lorsqu’il n’était pas possible de s’abandonner à son art, son mental s’est rebellé. Il lui manquait quelque chose. En effet, le génie artistique avait besoin de s’exprimer. La frustration a laissé place à la créativité foisonnante de cette artiste qui sait capturer les âmes de celles et ceux qu’elle représente mettant en exergue les détails corporelles quels qu’ils soient. Le talent peut donc se manifester sans pudeur !

 

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Autrice : Marie Bagi, docteure en Histoire de l’art contemporain et Philosophie

 

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Publié le 24 février 2023

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