top of page

*** Lumière sur une artiste ***

Marie Bagi vous présente,

Sabine Gugler 

"Artiste peintre"

            Aujourd’hui je vous présente l’artiste Sabine Gugler que j’ai eu le plaisir de rencontrer à son atelier à Lausanne où elle m’a accueillie si chaleureusement. Autour d’un café et de certaines de ses œuvres, elle me raconte son parcours de vie et comment l’art est une évidence dont elle ne peut faire fi.

Née à Besançon, France, elle grandit à Lausanne qu’elle quitte pour Lyon où elle réalise ses études de Lettres. Un jour, elle découvre une annonce avec une copine pour des cours du soir avec un professeur des Beaux-Arts. Ayant toujours créé, elle s’est sentie comme happée par cette annonce. Chaque œuvre qu’elle réalise là-bas possède un thème appartenant à des classiques comme le nu ou encore les natures mortes. Elle a donc beaucoup appris au niveau de la technique. Elle, qui n’avait jusque-là jamais osé, va, petit à petit, apprendre à lâcher prise et à se connecter avec ce qu’elle est vraiment. La pression va laisser la place au besoin de faire sortir les choses qui sont en elle. Grâce à ces cours, elle prend confiance et va progressivement accorder moins d’importance aux jugements. A la suite de cela, elle va suivre plusieurs cours notamment avec Olivier Duboux qui lui apprend l’art du paysage. Mais pour elle, c’est trop cérébral. Elle a besoin de sentir une connexion avec sa toile. C’est pourquoi, me dit-elle, elle réalise ses toiles au sol, à la manière Jackson Pollock (1912-1956) ; par ce biais, un lien fort se crée entre elle et son travail. Plus tard, elle suit également des cours à l’Acade, académie de dessin à Renens, puis elle bénéficie de l’enseignement de l’artiste Bernard Desrousseau à Lutry, et de l’artiste peintre Naomi Middelmann encore aujourd’hui à Lausanne ; deux stages en Espagne, en Andalousie, avec le peintre Oliver Steiner lui ont permis de se plonger intégralement dans son art.

Sabine, bien qu’elle souhaiterait travailler à son art sans n’avoir de cesse, est enseignante de français au collège de Pully. Même si elle arrive à vendre ses toiles, elle doit pourtant garder ce travail qu’elle apprécie pour pouvoir vivre. Mais l’art reste le besoin premier, elle va à son atelier pour se raccrocher à ce qu’elle est vraiment. Ses parents l’ont toujours amenée dans les musées et son père, en particulier, possède un très bon coup de crayon ; ce qui explique aussi sa proximité avec l’art. D’ailleurs, deux de ses tantes sur quatre peignent.

Plusieurs fois dans sa vie, Sabine s’est mis des barrières mais, au fil du temps, elle réussit de plus en plus à lâcher prise ce qui la porte vers des moments créatifs nourrissants et excitants toujours à l’affût de nouvelles techniques artistiques. Sa première exposition, elle l’obtient en 2010 au Café des Alliés. Elle ne sent alors pas sûre d’elle et, particulièrement, avec le fait de se mettre en avant mais elle sent qu’elle a besoin de ce partage. Elle ajoute que c’est toujours émouvant lorsque le public s’intéresse, est touché et achète ses œuvres même si la question du prix reste toujours un sujet délicat pour elle.

Progressivement, me dit-elle, son art va évoluer. Il passe des natures mortes à l’abstraction car elle va s’apercevoir que le mouvement que fait le corps lorsqu’il exécute le geste devient alors une urgence. L’intuition la guide et elle se rend compte qu’elle n’aime pas s’astreindre à un thème. Elle s’émancipe alors sous le conseil avisé de l’artiste Naomi Middelmann qui l’incite à faire jaillir la peinture d’elle en lui disant d’y aller avec ses gants de boxe ! Et elle a raison. La peinture ne peut que pousser Sabine à faire ressortir ce qu’il y a de plus profond mais, pour ce faire, elle doit lutter contre ses freins. Au gré du temps, elle apprend à accepter la création telle qu’elle surgit, même si ce n’est pas toujours chose aisée. Croire en ce que nous faisons, me dit-elle, est crucial, même si une sorte de pudeur vient parfois se greffer et la pousse à se questionner sur sa légitimité. Mais n’est-ce pas aussi cela la vie, savoir se remettre en question et avancer ?

Elle me montre alors quelques-unes de ses œuvres. Un triptyque, dont les couleurs dominantes sont le bleu et l’orange, laisse entrevoir un étang dans lequel nous avons l’impression de nous perdre. Cette œuvre a été réalisée pour un concours en France et devait être en lien avec l’aquatique. Puis, elle me montre une série de dessins où des nus se décèlent. Le geste abstrait des corps est animé par la couleur qui le met en mouvement. Ces corps ont été réalisés d’après modèles vus sur un livre et même si leurs lignes ne sont pas définies de manières nettes, les corps se devinent et naît alors un jeu avec les formes.

Dans ses toiles, Sabine ajoute parfois du texte. Elle se laisse porter par le geste de la main qui écrit. Les mots imposent le geste ou le geste impose l’écrit, elle ne cherche pas à savoir et se laisse aller. La couleur est choisie sur le moment. Avec son gant de boxe, elle va aussi utiliser des techniques comme la peinture en bombe pour ajouter une sorte d’ouverture à ses œuvres. Le collage est aussi fréquemment utilisé par l’artiste. Elle me montre ainsi un collage de couleur rouge associé à la colère, émotion ressentie au moment de la création. Les fibres du papier ressortent souvent, comme des veines, car elle souhaite faire vivre aussi son support.  La récupération de matériaux devient aussi importante pour Sabine qui va, petit à petit, l’introduire dans son travail afin d’enrichir son monde et expérimenter pour se nourrir et élargir le champ des possibles.

En soi, avec un parcours de vie animé par l’art, Sabine ne manque pas de laisser transparaître l’émotion dans ses œuvres. A travers elles, elle peut vivre et atteindre une transparence tant recherchée. Une recherche artistique croissante, infinie, qui la pousse à se dévoiler au regard de son art qui ne fait qu’un avec elle.

 

 

Auteure : Marie Bagi, docteure en Histoire de l’art contemporain et Philosophie

 

Publié le 31 mai 2021

bottom of page